« Ressusciter les morts » avec l’intelligence artificielle : la nouvelle tendance qui fait fureur en Chine
De nos jours, l’intelligence artificielle (IA) a su s’infiltrer dans de nombreux aspects de notre vie, y compris dans le domaine funéraire. En Chine, on assiste à l’émergence d’un phénomène fascinant : la possibilité de « ressusciter » les personnes décédées grâce à la technologie des deepfakes et des assistants virtuels. Cette pratique, qualifiée de « nécromancie numérique », permet aux proches endeuillés de maintenir une connexion avec leurs êtres chers disparus.
Bien que cette approche puisse sembler offrir un certain réconfort, elle soulève de nombreuses questions éthiques et morales. Certains y voient une forme de magie noire du XXIe siècle, tandis que d’autres considèrent qu’elle s’inscrit dans la continuité des traditions de deuil et de commémoration existantes. Explorons ensemble ce phénomène complexe et controversé, en examinant ses implications sociales, éthiques et technologiques.
L’essor des avatars numériques des défunts en Chine
Le marché chinois est actuellement le principal moteur de l’évolution de cette technologie. Des entreprises comme Silicon Intelligence et Super Brain proposent une gamme d’options, allant des avatars interactifs sur applications mobiles aux appels vidéo deepfake permettant des conversations plus réalistes.
Ces services sollicitent l’autorisation des familles pour utiliser l’image et la voix des défunts. Cependant, des questions se posent : que se passe-t-il si certains membres de la famille ne sont pas d’accord ? Qui est responsable si un avatar numérique tient des propos inappropriés ?
Les arguments pour et contre l’utilisation de l’IA dans le deuil
D’un côté, des experts affirment que ces pratiques franchissent les limites éthiques et culturelles. Ils considèrent que l’interaction avec des simulations numériques de personnes décédées est une forme de « magie noire » du XXIe siècle.
De l’autre, des sociologues de l’Université de Liverpool soutiennent que le fait de maintenir des connexions avec les morts à travers des textes, des images et des objets n’est pas une nouveauté dans l’histoire de l’humanité. Ils estiment que l’IA générative ne fait qu’évoluer avec les pratiques existantes de deuil et de commémoration.
L’IA, une évolution des pratiques de deuil ?
En effet, depuis toujours, les humains ont cherché des moyens de préserver la mémoire de ceux qui ne sont plus. Des portraits aux photographies, ces pratiques visent à maintenir un lien avec les défunts. Selon les experts, l’IA générative ne fait que s’inscrire dans cette continuité, en offrant de nouvelles possibilités de connexion.
Certains y voient même une forme de progrès, permettant aux endeuillés de garder un contact plus « vivant » avec leurs proches disparus. Cependant, d’autres craignent que cette technologie ne finisse par brouiller les frontières entre le monde des vivants et celui des morts.
Les enjeux éthiques de la « nécromancie numérique »
Au-delà des aspects technologiques, cette pratique soulève de nombreuses questions éthiques et philosophiques. Jusqu’où peut-on aller dans la « résurrection » numérique des défunts ? Quels sont les droits et les limites à respecter ? Qui décide de ce qui est acceptable ou non ?
Ces interrogations touchent aux fondements mêmes de notre rapport à la mort et à la mémoire. Certains craignent que l’utilisation de l’IA dans ce domaine ne finisse par banaliser la mort et par-delà, par dénaturer le processus de deuil.
L’impact de la « nécromancie numérique » sur le deuil
Au-delà des considérations éthiques, l’utilisation de l’IA dans le domaine funéraire peut également avoir des répercussions sur la façon dont les individus et les communautés font face à la perte d’un être cher.
Certains experts soulignent que, pour certaines personnes, la possibilité de « communiquer » avec un avatar numérique d’un défunt peut représenter une aide précieuse dans leur processus de deuil. Cela leur permettrait de maintenir un lien symbolique et de continuer à « dialoguer » avec leur proche disparu.
Cependant, d’autres craignent que cette pratique ne finisse par empêcher les endeuillés de faire leur deuil de manière saine et naturelle, en les maintenant dans une forme de déni de la réalité de la mort.
Les défis juridiques et réglementaires
L’utilisation de l’IA dans le domaine funéraire soulève également des questions juridiques et réglementaires complexes. Qui est responsable en cas de dérives ou d’abus ? Comment s’assurer du respect de la vie privée et de la dignité des défunts ?
Ces interrogations touchent à des enjeux fondamentaux, tels que le droit à l’image, la protection des données personnelles et la régulation de l’IA. Les autorités et les instances éthiques auront un rôle crucial à jouer pour encadrer ce phénomène émergent et en définir les limites acceptables.
L’évolution des pratiques de deuil à l’ère numérique
Au-delà des controverses, l’utilisation de l’IA dans le domaine funéraire s’inscrit dans une tendance plus large de transformation des pratiques de deuil à l’ère du numérique.
En effet, les technologies de l’information et de la communication ont déjà profondément modifié la manière dont les individus et les communautés gèrent le processus de deuil. Des plateformes en ligne aux réseaux sociaux, de nouvelles formes de commémoration et de soutien émergent, offrant de nouvelles possibilités de connexion et d’expression.
Dans ce contexte, l’utilisation de l’IA dans le domaine funéraire peut être vue comme une extension logique de ces évolutions, bien que ses implications soulèvent de nombreuses questions éthiques et sociétales.
L’IA, un outil de « résurrection » controversé
En définitive, la possibilité de « ressusciter » numériquement les défunts grâce à l’IA soulève de nombreuses interrogations et controverses. Si cette pratique peut apporter un certain réconfort à certains endeuillés, elle soulève également des enjeux éthiques, juridiques et sociaux complexes.
Entre fascination et malaise, l’utilisation de l’IA dans le domaine funéraire illustre la manière dont cette technologie pénètre progressivement tous les aspects de notre vie, y compris les plus intimes et les plus sensibles. La façon dont nous gérerons ces défis éthiques et sociétaux façonnera sans aucun doute l’avenir de nos pratiques de deuil et de commémoration.
L’utilisation de l’IA pour « ressusciter » numériquement les défunts en Chine soulève de nombreuses questions complexes. Bien que cette pratique puisse apporter un certain réconfort à certains endeuillés, elle soulève des enjeux éthiques, juridiques et sociaux qui méritent une réflexion approfondie.
Entre fascination et malaise, ce phénomène illustre la manière dont l’IA s’immisce dans des domaines de plus en plus intimes de notre existence. La façon dont nous gérerons ces défis façonnera l’avenir de nos pratiques de deuil et de commémoration à l’ère du numérique.
Alors que le débat continue, une chose est sûre : l’IA a ouvert la voie à de nouvelles possibilités, mais aussi à de nouveaux dilemmes, dans notre rapport à la mort et à la mémoire des disparus.