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Une avocate forcée de retirer son soutien-gorge pour voir son client en prison à Toulouse fait condamner l’État

Malgré les multiples tentatives de l'avocate pour résoudre la situation de manière respectueuse, l'administration pénitentiaire a fait preuve d'un manque criant d'empathie et de compréhension.

Il y a quatre ans, Maître Stella Bisseuil, une avocate renommée de Toulouse, a vécu une expérience humiliante et choquante lorsqu’elle a été contrainte de retirer son soutien-gorge à armature métallique pour pouvoir entrer dans la prison de Seysses et rencontrer son client détenu.

Aujourd’hui, la Cour administrative d’appel de Toulouse a finalement donné raison à Maître Bisseuil, condamnant l’État pour cette violation flagrante de sa dignité et de ses droits en tant qu’avocate. Cette décision historique envoie un message fort et ouvre la voie à des changements significatifs dans la manière dont les professionnels du droit sont traités dans les établissements carcéraux.

Le déroulement des événements : Une situation Kafkaïenne

Le 25 août 2020, dans un contexte sanitaire tendu marqué par la pandémie de COVID-19, Maître Bisseuil se rend à la maison d’arrêt de Seysses pour s’entretenir avec un client en détention provisoire. Comme tous les visiteurs, elle doit passer par les contrôles de sécurité, notamment le portique détecteur de métaux.

Lorsque le portique sonne à son passage, l’avocate, pensant que ses bijoux en sont la cause, les retire rapidement. Mais l’alarme persiste, et elle en déduit que c’est probablement son soutien-gorge à armature métallique qui en est à l’origine. Elle en informe les agents de surveillance, s’attendant à ce qu’une solution respectueuse soit trouvée. Cependant, leur réaction la laisse stupéfaite : « Ils m’ont regardée d’un air goguenard et ont dit que si je voulais voir mon client, je devais retirer mon soutien-gorge. »

La directrice de la prison, loin de faire preuve d’empathie, se montre tout aussi catégorique. Malgré les espoirs de Maître Bisseuil, elle est contrainte de quitter l’établissement et de se déshabiller dans sa voiture, sous les caméras de surveillance, avant de pouvoir accéder au parloir.

Photo Freepik

Une atteinte à la dignité et aux droits de la défense

Pour Maître Bisseuil, cette situation était une véritable atteinte à sa dignité et à ses droits en tant qu’avocate. « Ce que j’ai vécu ce jour-là était une atteinte à ma dignité et à mes droits en tant qu’avocate, j’ai pris sur moi uniquement pour mon client, » explique-t-elle, soulignant que son seul objectif était de pouvoir s’entretenir avec son client détenu.

En effet, selon la réglementation en vigueur, lorsqu’une alarme se déclenche au portique de sécurité, un contrôle manuel doit être proposé, comme cela se fait dans les aéroports. Or, dans le cas de Maître Bisseuil, aucune solution de ce type ne lui a été offerte. Au lieu de cela, elle a été sommée de se déshabiller, une procédure qu’elle juge « complètement indigne ».

De retour à son cabinet, Maître Bisseuil rédige un courrier à l’administration pénitentiaire pour leur demander de reconnaître leurs torts. Mais sa requête est rejetée, l’administration campant sur ses positions.

Déterminée à faire valoir ses droits, l’avocate décide alors de porter l’affaire devant la justice. Le tribunal administratif se prononce dans un premier temps en faveur de l’administration, affirmant que « l’avocate aurait choisi de se déshabiller dans sa voiture. » Mais Maître Bisseuil fait appel, demandant la production de la vidéo de l’incident. Toutefois, l’administration pénitentiaire affirme ne pas avoir conservé cet enregistrement.

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Finalement, le 17 septembre 2024, la Cour administrative d’appel de Toulouse donne raison à Maître Bisseuil. Dans son jugement, la Cour estime que les faits sont établis en faveur de l’avocate et que l’administration pénitentiaire n’a pas respecté les procédures de sécurité. Elle conclut que Maître Bisseuil aurait dû se voir proposer un contrôle manuel ou, à défaut, une fouille par une femme.

Cette décision historique est une véritable victoire pour les droits de la défense et la dignité des professionnels du droit. « Je me suis battue pour mes droits, mais aussi pour les corps de métiers qui travaillent avec les détenus, » souligne Maître Bisseuil, qui a reçu le soutien du Défenseur des droits et de l’Observatoire des lieux de privation de liberté.

Un problème récurrent dans les prisons Françaises

Malheureusement, l’expérience vécue par Maître Bisseuil n’est pas un cas isolé. De nombreuses autres avocates et professionnels ont été confrontés à des situations similaires, où le passage au portique de sécurité a entraîné des complications liées à des objets métalliques tels que des broches, des prothèses ou des pompes à insuline.

Ces incidents ne se limitent pas à la seule maison d’arrêt de Seysses. Maître Bisseuil a en effet été informée que d’autres établissements pénitentiaires à travers la France posent régulièrement ce type de problèmes aux visiteurs, notamment aux avocats.

Une administration pénitentiaire archaïque et inflexible

Selon Maître Bisseuil, la maison d’arrêt de Seysses, où s’est déroulé cet incident, est un établissement « inadapté » dont « l’état d’esprit est totalement archaïque. » Elle souligne que cette prison « considère la prison comme un cachot et les avocats comme des empêcheurs de tourner en rond. »

Cette attitude rigide et inflexible de l’administration pénitentiaire a été au cœur du conflit avec Maître Bisseuil. Malgré ses efforts pour trouver une solution respectueuse, les agents et la directrice de la prison se sont montrés catégoriques, refusant catégoriquement de procéder à un contrôle manuel ou à une fouille par une femme.

La décision de la Cour administrative d’appel de Toulouse ouvre la voie à des changements significatifs dans la manière dont les avocats et autres professionnels sont traités dans les établissements carcéraux.

Maître Bisseuil espère que cette victoire judiciaire aura un impact durable, obligeant les prisons à revoir leurs procédures de sécurité et à proposer des solutions plus respectueuses lorsque le passage au portique déclenche une alarme. Elle souhaite également que les droits de la défense soient mieux pris en compte, permettant aux avocats d’exercer leur profession dans des conditions dignes.

Tout au long de cette bataille judiciaire, Maître Bisseuil a bénéficié du soutien de nombreuses de ses consœurs, ainsi que d’instances officielles comme le Défenseur des droits et l’Observatoire des lieux de privation de liberté.

Ce soutien a été essentiel pour permettre à l’avocate de poursuivre son combat et de faire entendre sa voix face à l’obstination de l’administration pénitentiaire. Il témoigne également de la mobilisation de la profession pour défendre les droits et la dignité des avocats dans l’exercice de leur métier.

Une victoire symbolique au-delà du cas Individuel

Au-delà de la réparation de son propre préjudice, Maître Bisseuil considère cette victoire judiciaire comme une avancée importante pour l’ensemble de la profession. « Je me suis battue pour mes droits, mais aussi pour les corps de métiers qui travaillent avec les détenus, » explique-t-elle.

En effet, cette décision de justice envoie un message fort aux autorités, les sommant de revoir leurs pratiques et de garantir le respect des droits des avocats et autres professionnels intervenant en milieu carcéral. Elle ouvre la voie à des changements durables, dans l’espoir que de telles situations humiliantes ne se reproduisent plus.

Malgré l’épreuve qu’elle a traversée, Maître Bisseuil n’a pas baissé les bras. Au contraire, sa détermination à faire évoluer les mentalités et les pratiques au sein de l’administration pénitentiaire n’en est que plus forte.

« Cet arrêt est le fruit de l’obstination et de la mauvaise foi de la maison d’arrêt de Seysses, » souligne-t-elle. Bien décidée à ne pas en rester là, l’avocate se réserve le droit de demander des dommages et intérêts à la prison, à moins que celle-ci ne reconnaisse ses torts et ne mette en place une procédure obligatoire de fouille avec un détecteur de métaux.

La victoire de Maître Bisseuil ouvre une nouvelle ère dans la relation entre les avocats et l’administration pénitentiaire. Cette décision historique a le potentiel de transformer durablement les pratiques dans les établissements carcéraux, en obligeant les autorités à revoir leurs procédures de sécurité et à garantir le respect de la dignité et des droits des professionnels du droit.

Au-delà de son impact immédiat, cette affaire soulève des questions plus larges sur les conditions de travail et d’accès aux détenus pour l’ensemble des corps de métiers intervenant en milieu carcéral. Elle pourrait ainsi servir de catalyseur pour une réflexion approfondie sur les réformes nécessaires dans le système pénitentiaire français.

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Catalina Dupres

Je suis une passionnée de sport et de nutrition, déterminée à partager mes connaissances, mes conseils et mes expériences avec ceux qui partagent ma passion pour le sport et la nutrition.

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